c'est entre parenthèses dans un temps qui n'existe pas. Noir désir

Aujourd'hui j'ai peur des garçons.
ça faisait longtemps.

(photo sans rapport mais que j'aime beaucoup)

Jean Christophe a dû se dire que c'était son jour de chance. Il était 8 heures on allait se séparer après les habituels "bon ben à plus tard alors", j'avais déjà la main sur la poignée et là il me dit:

"Ce soir, j'ai deux places pour aller voir Largo Winch. ça te dit?"

La première chose que j'ai pensé c'est "oh non, pourquoi c'est lui qui me demande ça?"
Tout de suite après j'ai vu en accéléré ce qu'il allait se passer et ce qui ne passerait pas, ce soir.
Alors j'ai dit non. J'ai hésité, ou fais semblant, je ne sais plus, je lui ai dit que je sortais jeudi et vendredi soir, que j'avais prévu de bosser ce soir, mais que c'était vraiment sympa et dommage, et que pourquoi pas une autre fois hein?

J'ai vu passer sur son visage cette déception énorme qui avait aussi dû me trahir le jour de mon anniversaire, mon jour de (mal)chance à moi. C'est marrant comme la déception est visible et comme on essaie de garder contenance.
Alors que le cerveau se met en mode automatique et qu'on ne comprend plus grand chose.
Bref.

Je lui ai dit "il faut que tu trouves quelqu'un d'autre pour y aller".
C'était comme si je lui disais "sors avec quelqu'un d'autre" avec "sortir" dans tous ses sens.

Il a fabriqué une histoire stupide, qu'en fait il avait 4 places mais qu'il en avait déjà donné 2 et je ne sais quoi. J'ai fais semblant que ça tenait la route.

Je m'en voulais tant de gâcher sa minute de chance que je lui ai promis qu'on irait voir un film après les vacances. Ce n'est que partie remise. Oh non.

Oh le massacre.

A midi on est allé au resto U avec Al.
Il a retrouvé son cousin qui était avec deux copains à lui.
Un des copains avait des yeux turquoises. Manque de bol il n'a quasiment pas ouvert la bouche. Il avait l'air de planer avec son sourire triste.

On a regardé les âges au fond des verres. J'avais 12 ans, Al en avait 4.

Lui et son cousin ont parlé avec beaucoup d'enthousiasme.

J'avais oublié que c'est ça aussi les garçons.
Oh pas tous, et pas tout le temps.
Mais pendant qu'ils rigolaient grassement moi je rêvais de ces conversations à la con
"j'adore ton pull? tu l'as acheté où? j'adore ton vernis tu l'as acheté où? j'adore tes tampax, tu les as achetés où?"

Pff. N'importe quoi. Faut pas m'en vouloir, j'ai sommeil.

Parfois je me demande en quoi l'association 'une fille/ un garçon' est logique.

Le copain aux yeux turquoises et l'autre sont partis.
J'avais froid avec mon sweat gris trop large. Un sweat de mec me dirais-tu, C.

On est retourné au lycée, Al. s'est fait agressé par un pote à lui, un autre avec quatre ans d'âge mental qui l'a salué en lui disant un truc au moins aussi fin que "jte baise".
Après quoi le type m'a fait "allez tiens, je te le rends".
Super.

Dans ces moments là j'aimerais dire que je préfère les filles.

Sauf qu'une minute après on croisait la personne que je voudrais connaître qui courait comme un fou dans les escaliers en nous expliquant qu'il avait oublié ses affaires dans sa chambre d'internat. C'était tellement pitoyable que c'en était mignon.
A la pause il est venu bricoler le radiateur à coté de Al. sous prétexte qu'il faisait trop chaud. Il s'est acharné deux trois minutes sur la molette, j'ai cherché quelque chose de drôle à dire, ou d'intelligent au minimum, je n'ai trouvé qu'une banalité, il a abandonné le radiateur et s'en était finit.

J'avais oublié qu'on était mercredi.
C'est le jour de sortie des films.
Sur tous les bus qui passaient il y avait l'affiche pour Largo Winch. Sortie le 17 décembre.
Je les regardais défiler, toutes ces affiches, et je pensais vaguement au titre d'un livre.
"Un gus vaut mieux que deux tu l'auras".

Le soir j'ai vu une fille qui était au collège, elle a un an de moins et on se parlait vaguement à l'époque. ça m'arrive de la croiser de temps à autre.
Un autre bus est arrivé au terminus, Al. était dedans, il avait un peu trainé au lycée, du moins c'est ce qu'il m'avait dit après la géo. C'était louche mais je n'ai pas posé de question.
Il m'a fait coucou par la vitre, je lui ai répondu.
La fille m'a demandé si je le connaissais. Ben non pauvre conne je fais coucou à des gens comme ça.
Il est descendu.
La fille a fait "oh noon pas lui" et m'a expliqué qu'ils étaient sortis ensemble quand on était au collège.

N'en jetez plus, le placard est déjà plein de squelettes.

Il est venu lui faire la bise. Assez impressionnant.
Ces deux personnes sont l'exact opposé l'une de l'autre.

Mais on connait si mal les gens.

Surtout ceux qu'on voudrait connaître.