c'est entre parenthèses dans un temps qui n'existe pas. Noir désir

Plus précisément un drôle-malgré-lui.
J'adore ça. [Plus?]

Le cours de cet après midi a débuté de manière on ne peut plus traditionnelle et rébarbative, à le laisser définir bocages et openfields, bref, rien de très original.
Et puis brusquement, je ne sais quelle crise de folie l'a pris, le prof s'est mis à parler de la haute Provence.
Il n'y en avait plus que pour la haute Provence, sans rapport aucun avec le cours.
On a eut le droit à une demi heure de géologie.
Les pierres organiques, cristallines et je ne sais plus quoi.
Tout le monde se regardait en douce, l'air de rien, l'air de dire "le prof a pété les plombs".

Et puis il a embrayé sur les villages de haute Provence.
"Combien de villages où crèchent des bobo people connaissez-vous?"
Saint trop.
Il a commencé à énumérer le nom des moindres petites collines de là-bas, de la moindre plaine, de la moindre rivière. C'est là que les gens ont commencé à rire et à halluciner.
Et puis Al. a dit un truc stupide, ou même pas, je ne sais plus, et on s'est retrouvés embarqués dans un fou rire énorme.
J'évitais soigneusement de le regarder, la tête baissée, le visage dans l'écharpe, mais je l'entendais se retenir de rire à coté de moi, et je riais de plus belle.
On en pleurait à la fin, en essayant de se cacher derrière les gens devant nous en se tassant sur nos bureaux.
Fort heureusement on était au dernier rang.

On oscille du premier rang au dernier selon les cours, c'est étrange, on ne connait pas le juste milieu.

Il suffisait ensuite que le prof dise un nom, n'importe quoi, Camargue, Rhône, et on explosait de rire silencieusement.
La fille à ma gauche faisait semblant de s'énerver du bruit qu'on faisait et ça me faisait rire encore plus.
A un moment le prof a accroché une carte de France au tableau et tandis qu'il parlait il montrait par de vagues gestes des régions.
J'ai réussi à articuler entre deux respirations
"il devrait présenter la météo" et c'était reparti pour un tour, d'autant plus qu'Al. a précisé juste après "et accrocher des petits nuages sur la carte".
C'était stupide et pourtant après j'étais d'une humeur ensolleillée. Je riais pour rien, absoluement rien, du genre ma voisine qui répond "à arroser" quand le prof demande à quoi sert l'irrigation.
Ben ouais, à arroser.

De toute manière ça avait commencé à midi.
Repas assez morose à échanger quelques banalités au dessus des lasagnes-épinards-poisson (infect).
Sa copine l'a appelé pour savoir ce que c'était un participe passé. Il a expliqué patiemment au téléphone la différence entre participe passé et passé composé et après avoir raccroché il a ri avec moi en convenant que oui, il devait avoir l'air fou à parler de ça au beau milieu du repas.
Et puis on est sorti du self, il faisait beau, et on a commencé à parler des conneries qu'on faisait au collège et au lycée en matière de cantine.
On s'imaginait faire le boulot des dames qui servent le plat principal et tendre un assiette de lasagnes-degueu aux collégiens avec un sourire narquois en leur souhaitant bon courage. On riait et on a fait le tour du lycée sans s'en rendre compte, trop entrainés dans nos conneries pour se rendre compte qu'on marchait sans but.

Après la géo on a discuté près d'une heure devant le portail, lui, moi et J. la fille-aux-ongles-noirs.
On forme un charmant trio d'associables.
Facile. Le prof de géo nous demandait de vérifier que nos amis étaient là, par flemme de faire l'appel. On a jeté un coup d'oeil dans la direction de J. Elle était là et on aurait incapables de dire qui était absent, comme je suis incapable de dire qui s'appelle comment, et si oui ou non il y a une Virginie dans ma classe.

Tous les deux ils se ressemblent. Il a le total look gothique, elle n'a que des chaines aux poignets et le noir en prédilection, mais ils sont de la même trampe.
Les autres gens de la classe doivent se demander ce que je fous avec eux, alors que j'irai si bien avec tel ou tel groupe de filles, le genre de fille qui se fond dans la masse, comme moi quoi. Contrairement à J. qui a la classe dans le sang.
Ils sont libres et fiers, ils ne s'intéressent pas vraiment aux autres de la classe, contrairement à moi, toujours à l'affut d'une occasion propice pour sociabiliser avec de nouvelles personnes.
Ils sont différents, marginaux, intégrés s'ils le veulent, et s'ils le veulent seulement, et les gens de la classe connaissent leurs prénoms tellement ils "dénotent".
Contrairement à moi. Si ce n'est une fille qui arrête pas de m'agresser en accrochant mon prénom à toutes ses phrases et en me harcelant sur ma soeur à normale sup', les autres ne m'ont pas imprimée.

Ils sont libres, fiers, différents, marginaux, connus.
Je ne connais pas beaucoup de personnes qui aimeraient vivre en Norvège pour connaitre la nuit la moitié de l'année.
Eux si.

On a parlé donc. De la géo, de la soirée d'intégration qui est demain.
Et puis la conversation s'est mise à tourner autour de sujets qui me sont légèrement... pas familiers.
Alcool, shit, drogues douces en tout genre, dealer et cannabis en pot sur les balcons. Ils racontaient à tour de rôle les trips, plus ou moins bad d'ailleurs, qu'ils avaient connus, eux ou des potes à eux.
Certes c'était drôle. Très drôle.
Y a une fille qui, complètement défoncée a mordu dans une poignée de porte en croyant que c'était une cuisse de poulet. J'en avais les larmes aux yeux là encore.

Mais tout de même. Entre lui qui se fait des tisanes au cannabis, elle qui cherche de quoi se défoncer bien comme il faut... je me sentais légèrement pas à ma place.
Même si les places, ça n'existe pas, je fais tout pour le prouver depuis deux semaines.

On est rentré en bus ensemble avec Al. On a raconté les hontes de nos vies, et il m'a raconté le jour où il était au bord du coma éthilique en philo, il y a deux ans, pour avoir bu du whisky sans savoir que l'effet n'était pas immédiat. Résultat il prenait des notes qui se sont par la suite averées à mourir de rire, du genre "ah ah le musulman au poulet d'hypokhâgne".
Sauf que sur le coup il était vraiment mal ce con.

On a parlé des lignes de bus, des autostoppeurs, et c'était simple et c'était bien et j'étais à la fois contente et déçue. Contente qu'il soit comme ça, déçue qu'il soit comme ça.
Deux potes à lui sont montés en cours de route, ils m'ont dit bonjour comme si on se connaissait depuis toujours et je me suis rapidement eclipsée pour aller prendre le bus suivant.

Demain il y a la soirée d'intégration.
Il faut venir avec quelques euros pour "acheter à boire".
L'alcool va couler à flot, je n'ai pas envie d'y aller, je n'ai pas envie que les gens me déçoivent.
Mais je veux y aller pour parler à cette personne, toujours la même, la seule que j'ai envie de connaitre et que je ne connais toujours pas.
Ce qui risque d'entrainer encore plus de déception.
J'hésite.

"En entendant 'alcool" et 'blagues' je me suis demandé si je n'étais pas tombé sur ce que ma mère appelle 'des mauvaises fréquentations'. Mais pour des mauvaises fréquentations je les trouvais géniales"
('Qui es-tu Alaska?')

Re: