c'est entre parenthèses dans un temps qui n'existe pas. Noir désir

("sunny day" bu ZhuZhu) [Lire?]

On pense qu'on va passer une soirée tranquille, enfin, dans la tranquillité relative des verbes irréguliers espagnols, et puis il faut passer un pull par dessus le haut de pyjama et conduire dans la nuit pour aller chercher ma soeur qui revient pour le week end (oui, prolongé le week end)
Ce soir j'ai envie d'écrire mais ce soir j'ai aussi envie de respecter le couvre feu que je tente, en vain, de m'imposer depuis le début de la semaine. J'ai un mal fou à me coucher tôt.

Cet après midi dans le bus, il y a avait un prof. Un prof de physique il me semble, il corrigeait des copies sur ses genoux. Il marquait des "oui" dans la marge, à coté des courbes et des calculs de ses élèves. Moi à coté, le livre d'espagnol sur les genoux, ça me faisait sourire.

Il y a comme un grand trait de cutter sur la couverture d'un livre que la prof d'anglais m'a prêté. Le problème c'est qu'il n'y était pas quand elle me l'a tendu, il y a quelques semaines. L'autre problème c'est que je n'utilise jamais de cutter, je serais capable d'y laisser quelques doigts. ça m'inquiète un peu.
Il y a deux jours de ça, on parlait paranormal au repas de midi.
C'était un des meilleurs repas. De quoi? De l'année? De tous? Je ne sais pas.
Il y avait Al, la personne que je voudrais connaitre et deux autres garçons. Ils me faisaient tous rire et j'ai eu beaucoup de mal à ne pas m'étouffer avec ma pomme.
Et puis, comme on était en retard, comme d'habitude, les autres sont partis et moi je suis restée dans le self presque vide, à attendre que la personne que je voudrais connaitre termine ses abricots au sirop. ça compte.

Les seuls mots que j'ai échangés avec mon père ce soir ressemblent à "je le fais où le demi tour? c'est une priorité à droite ça?". Consternant.
Ma mère était dans l'un de ses jours "aujourd'hui je te cuisine". Oui, parfois elle ne se contente pas de mon "oui" à son "ça va?". En principe on se satisfait mutuellement de ce rituel. Mais parfois elle cherche plus loin, peut être parce que mes yeux me trahissent. Ou ma voix.
Alors j'ai joué à lui faire peur, et je lui ai parlé de la soirée que nos délégués comptent organiser dans une semaine. J'ai bien laissé entendre qu'il n'y avait rien, strictement rien de prévu à part la boisson, que ce soit au bar ou dans un quelconque parc, et que oui, j'irai.
Elle m'a dispensé les recommandations de circonstance, il faut faire attention, il y a peut être des gens qui ont l'habitude de fumer un peu n'importe quoi, et puis tu ne connais pas très bien tous ces gens alors ne te laisse pas embarquer par le groupe et ne fais confiance qu'à toi.
Ahah. Encore faut-il que je puisse me faire confiance.

Ce soir j'ai lu un livre en entier. J'ai lu comme ça des dizaines de livres en une soirée. Facile, il suffit que l'histoire soit bien, mais pas trop. Pas au point que je veuille déguster chaque phrase. Juste avoir envie de lire la suite, la fin, et sauter des passages. Ce soir c'était un livre sur l'absurdité de la mort. Les dernières pensées de personnes qui ne se doutent pas qu'elles n'arriveront jamais à leur station et qu'il y a une bombe dans leur rame de RER.
"Et, pendant des jours, peut être des semaines, les yeux rivés à l'écran de mon ordinateur, j'ai continué à réaliser les mêmes opérations comptables qu'avant, exactement comme si rien ne s'était passé. Et cela sans flancher".

Ce matin j'ai rejoins au CDI la personne que je voudrais connaître. Il était en pleine confrontation avec un type de l'autre hypokhâgne à propos de la notion d'hôte dans un texte de L'Odyssée. L'autre s'énervait alors que lui il gardait son calme. Moi j'hésitais à éclater de rire. Pendant que son ami citait des phrases du texte, la tête penchée, sans rien voir, lui, il me souriait, l'air de dire "les gens sont dingues".
Normal, les gens sont dingues.

Le couvre feu est passé depuis deux minutes. Ce sera une nuit trop courte de plus.
Tout comme je sais déjà que les vacances seront trop courtes.

Je n'ai toujours pas ouvert le moindre bouquin sur la montée du fascisme dans l'entre deux guerre ou sur les sociétés rurales. J'ai toujours l'impression que j'aurais le temps plus tard. Mais plus tard il y a d'autres choses encore, des commentaires de texte, des versions et ce hijo de puta de livre d'espagnol. C'est marqué sur la quatrième de couverture: à la fin de l'année, à raison d'un chapitre par semaine, on aura appris 12 000 mots.
Reste à savoir combien on en aura retenus.

A midi, pas de paranormal, pas de rire à se dire que la vie est là, juste là, pas ses yeux rieurs et ses mains qui frolent mes cheveux dans l'espoir d'y trouver des cheveux blancs pour rire.

C'était bien quand même ce midi.
Je me suis faite adoptée.

La fille de khâgne, Flo, celle dont j'ai déjà parlé avec ses rêves bizarres, a discuté avec moi dans la queue, Al ayant retrouvé des potes.
Elle m'a raconté le gâteau de semoule loupé de son coloc et m'a promis de m'en apporter un bout demain.
Et puis quand on prenait nos plateaux, elle m'a demandé si je voulais bien qu'elle m'adopte parce que, d'après elle, j'ai une marraine moyennement sympathique. Comme je me souviens jamais du nom de ma marraine, qui ne se souvient pas plus du bien, ça m'allait.
Je suis adoptée, Al, qui est filleuil de Flo lui aussi, se retrouve donc mon frère.
(Oui, on a une conception des liens familiaux assez particulière en lettres sup.)
J'ai hérité de deux autres frères et soeurs.

La soeur, c'est une fille de ma classe que je n'aime pas trop. Au premier cours de français, la prof nous demandait de parler des livres qu'on considérait comme "chef d'oeuvre". Cette cruche a dit "le petit prince". Elle s'en serait tenu là, il n'y aura pas eu de problème, c'est un très bon livre. Au contraire je l'aurais tout de suite trouvée sympathique cette fille.
Le problème c'est qu'elle a continué. Elle est parti dans une explication niaiseuse: "j'en suis au point où je me demande tout le temps si le mouton a mangé la rose et gnanananan". On s'en fout ma pauvre, t'as pas l'air de réaliser.
La prof elle même n'a pas pû s'empêcher de dire " vous savez moi je ne suis pas psychologue".
Par ailleurs cette fille est souvent assise à coté de la personne que je voudrais connaitre. Elle lui lance des regards plein d'espoirs, des regards delavés avec ses yeux trop pâles.
Bref.
Toujours est-il que j'ai ressenti une grande satisfaction quand ma nouvelle marraine m'a confié que ma "soeur" est surement sympa mais un peu coincée. C'est méchant. J'assume.

Mon autre frère c'est Ulysse. Ouais comme celui d'Homère, pour de vrai. On se connait que peu mais à chaque fois il m'a laissé une très bonne impression. Il est sympa, me rappelle quelqu'un (à ton anniv C.), et faisait partie des garçons qui m'ont fait bien rire lors de ce repas-paranormal mémorable.
Etrangement c'est une des très rares personnes qui prononcent bien mon prénom. Enfin, je veux dire, dans sa bouche, j'aime bien comme il sonne.
Dans les trois quarts des cas je n'aime pas quand les autres m'appellent, j'ai toujours l'impression qu'ils butent sur la courte syllabe.

Pendant le repas on a bu de la soupe à la courge, semaine du gôut oblige, Flo, Al, Adeline et moi. C'était chaud, c'était bon, c'était original.
Adeline est une fille avec qui les choses sont simples et immédiates. Une fille que je me permets d'embêter, une fille à qui je peux faire un turban avec son écharpe, une fille qui m'avait prêté un cours au début de l'année, quand je ne connaissais pas plus de 5 prénoms. D'ailleurs je ne connaissais pas le sien, mais je l'appellais "Blanche Neige" dans ma tête. "il faut que je trouve Blanche neige à la recrée pour lui rendre son cours".
ça n'aurait pas une connotation désagréable, je dirais qu'Adeline c'est une fille facile. Au tout premier sens.

Voila.
Du silence sur certaines choses:

Un cauchemar qui s'achève, qui s'estompe tout du moins. Je l'éspère.
ça a tout de même duré 10 ans.
Il y a aussi les après midi pluvieuses, la lanière de mon sac qui me fend l'épaule, les ongles que je laque le matin alors que je sais parfaitement que je vais les manger jusqu'au vernis dans la journée, la claque que je me suis mise tout à l'heure (ouais, maso), le tout qui n'est jamais assez.

Demain on ira au club photo.
J'ai jamais eu l'intention de m'inscrire et je ne sais pas comment je me suis retrouvée embarquée là dedans.
Enfin si je sais. Julie m'avait proposé d'aller à la réunion d'information. Je ne sais pas dire non, et puis une réunion ça n'engage à rien. Il y avait une feuille pour marquer son nom, j'ai demandé au type si on pouvait réfléchir encore une semaine. Il a dit non, en rigolant. Sauf qu'il n'a pas dit oui après. Alors j'ai marqué mon nom.
Je frole la nulité absolue en photo.
Et j'ai besoin de cette heure pour une ultime révision de l'espagnol avant l'habituel controle du vendredi aprem.
Tant pis.
Avec un peu de chance je pourrais ressortir mon argentique qui dort dans un tiroir depuis que je suis passée au numérique.

Demain on fera "twi", signe de ralliement, avec Flo, on dormira en philo, et on confondra les diphtongues et les verbes à fermeture en espagnol.

Et puis ce ne sera même pas le week end, mais ce ne sera pas grave.

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