c'est entre parenthèses dans un temps qui n'existe pas. Noir désir

"Je te mangerai cru si tu ne me retiens pas"

(source:mine)

La soirée a filé entre les cordons ombilicaux et l'EZLN. Mes préparations de colles, que ce soit en espagnol pour demain, ou que ce soit celle que j'ai passée en anglais la semaine dernière, ressemblent à de gros gribouillis.
Je barbouille le texte avec les surligneurs, et puis, comme j'ai que 4 couleurs de surligneurs, je l'achève avec des crayons de couleurs, des feutres et du soulignage. ça fait plein de petites vagues sous les mots, c'est joli.

Demain 8h30 tapantes il faudra défendre tout ça, le barbouillage et le problème des terres au Chiapas. C'est marrant que mon texte traite de ce sujet, ça me rappelle l'an passé. ça tombe plutôt bien, c'est un sujet que j'aime énormément. Seul point noir dans le tableau: je vois peut être des révoltes révolucionnaires là où il n'y a que des digressions sur les accouchements dans l'eau.

Hier on a eut les premières notes. Un plan détaillé à faire à la maison sur la première guerre mondiale. On nous a tellement prevenu "vous allez être saisi; mais gardez les larmes pour les grandes occasions et une dissert c'est pas une grande occasion", que tout le monde a pris ça dans la franche rigolade. Tout y compris la moyenne de la classe à 5.
Quand j'ai vu le 7 sur ma copie ça m'a fait sourire, j'ai attentivement écouté la prof me dire que j'avais de bonnes intuitions mais un manque de rigueur.
Ouais ça a quelque chose de comique de passer de 17, ou plus, à 7. D'avoir une première page remplie d'annotations et de conseils.
De voir "attention à l'expression" pour la première fois de ça vie.
La prof corrige en violet. C'est mieux.
On en a bien ri des notes, Al a eut 6 il faut dire qu'il était tombé dans la piège du "je sépare le front de l'arrière dans mon plan".
J. a eut 4 il faut dire qu'elle n'a pas pu s'empêcher de faire une partie sur l'art dans la guerre, toute artiste qu'elle est.

Il y a des gens qui ont eu 13 quand même.
Pas beaucoup, les trois quarts de la classe tournent autour de 5 petits points, mais quand même.

Sinon...
Sinon il y a ce type, Jean Christophe, si je ne me trompe pas.
C'était lundi. Comme tous les voyages en bus j'avais mon manuel de vocabulaire d'espagnol ouvert. Il avait beau être 7h15 du matin il fallait que ces hijos de puta de mots s'impriment dans mon crâne.
Quelqu'un s'est assis a côté de moi dans le bus, j'ai pas fait gaffe.
Et puis le quelqu'un a sorti des cours pour réviser et j'ai jeté un coup d'oeil, par solidarité.
Là je me suis souvenue que je l'avais déjà vu.
Quelques semaines plus tôt il s'était déjà assis à mes cotés et quand j'avais fait mine de me lever un peu avant mon arrêt il m'avait dit qu'il allait descendre là lui aussi. On était sorti du bus et il m'avait souri.
Et puis hop, il était passé aux oubliettes de la mémoire.

Et là, lundi, il était de nouveau à coté.
Un peu avant l'arrêt j'ai commencé à ranger mon manuel et à remettre ma veste.
"Ne t'inquiètes pas, moi aussi je vais descendre".

Ah bon. J'ai essayé de me donner une contenance, parce que son "ne t'inquiètes pas" faisait bizarre. Je lui ai demandé s'il était au lycée.
Il a dit oui, qu'il était en deuxième année de pcsi (prépa physique chimie). J'ai demandé s'il était en étoile, il a dit non, j'ai dit que c'était bien, enfin que la concurrence c'était nul quoi.
Il a dit ouais. On est descendu et on a parlé jusqu'au lycée. On se racontait le travail, nos emplois du temps et les sales notes de prépa. Et puis devant l'entrée il m'a dit "je vais te laisser là", comme j'allais passer la porte, et il m'a fait la bise. Je me suis un peu emmellé les pinceaux et je lui ai demandé son prénom.

Mardi. Même heure. Il ne monte pas dans le bus, je marche seule jusqu'au lycée. J'entre. Il est là, il vient me dire bonjour, on parle. On marche un peu jusqu'à un endroit à égal distance de nos salles de cours. ça sonne.
Moi "a bientôt peut être?"
Lui "Quand tu veux"
Moi "Heuuu ben si tu veux on peux manger ensemble un de ces jours, faudra qu'on se redise, parce que y a des jours où j'ai prévu de manger avec d'autres gens (et là je pense à la personne que j'aimerais bien connaitre et avec qui rien n'est prévu mais tout est possible et aléatoire.)"

Aujourd'hui. Même heure, personne. Arrivée au lycée, personne.
10h récrée. Il est là, entre mes deux salles de cours. J'apprends un peu plus tard qu'il a cours à l'autre bout du lycée. On parle un peu, il me propose qu'on mange ensemble le lendemain. Je parle pas trop fort, Al. est à deux mêtres. Je dis oui, qu'on pourrait se retrouver devant l'entrée. Il me donne son numéro de portable, si jamais on se trouve pas, je le note en turquoise sur ma main. Il regarde l'heure. J'aime bien sa montre. On voit le mécanisme, c'est fascinant. Je lui dit, ça le fait rire. Et puis il part en maths.

Il a des yeux noirs, les cheveux aussi je crois. Mais j'ai encore du mal à être sûre que c'est lui, au premier coup d'oeil.

Demain donc. On va surement se perdre. Il faudra manger très vite, moi en tout cas j'aurais à peine un quart d'heure comme tous les jeudis, je vais surement arriver en retard en français, comme d'habitude de toute manière, mais la prof finira par ne plus supporter un de ces jours. Je me demande ce que je vais dire à Al, si je vais lui proposer de manger avec nous, s'il va mal le prendre, ou pas, ou l'inverse, ou si l'autre le prendra mal.

Je vais surement gaffer.

J'aurais surement rien à lui raconter au dessus du bol de salade.
Et pire.
Je vais surement passer le repas a chercher des yeux la personne que je voudrais connaître, celle avec qui j'ai mangé lundi, mais au milieu de tant d'autres personnes que j'étais noyée et qu'il était loin.

C'est mal foutu la vie.
Je veux absoluement manger avec quelqu'un qui n'accorde surement pas plus d'importance à moi qu'au prof de philo.
Et a coté de ça un autre quelqu'un semble absoluement vouloir manger avec moi, et, à moins que je me goure grandement, je ne suis pas tellement plus attachée à lui qu'au prof de philo. Bon si, un peu quand même.

Mais merde, y a une erreur d'aiguillage quelque part.